Newsletter 2e trimestre 2023

Les arrêts de travail dans le viseur du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2024

Limitation de la durée des arrêts de travail prescrits en téléconsultation et un contrôle renforcé des arrêts de travail au programme du PLFSS 2024 :

Projet de loi art. 28 : la prescription ou le renouvellement d’un arrêt de travail lors d’un acte de télémédecine serait limité à 3 jours, sauf si l’arrêt est prescrit par le médecin traitant, ou si l’assuré peut justifier d’une impossibilité de consulter un médecin pour obtenir une prolongation de l’arrêt de travail. Si l’arrêt prescrit en téléconsultation excède 3 jours : pas de versement d’IJSS au-delà.

L’article 27, I, 3° du PLFSS prévoit en outre un renforcement des conséquences de la contre-visite patronale sur les indemnisations de la sécurité sociale :

Actuellement, si la contre-visite patronale conclut à un arrêt de travail injustifié, ou dans le cas où le médecin-contrôleur a été dans l’impossibilité de procéder à l’examen : le médecin-contrôleur transmet son rapport à la CPAM dans les 48h. Le PLFSS prévoit d’élargir l’obligation de transmission en cas de constat d’absence de justification de la durée de l’arrêt de travail et le délai de transmission serait porté à 72 h.

Si le rapport du médecin contrôleur conclue au caractère injustifié de l’arrêt de travail, le PLFSS prévoir que le versement des IJSS pourrait être suspendu automatiquement. Les assurés auraient toutefois la possibilité d’un recours devant le « service médical ».

Dans le cas où le rapport fait état que l’arrêt de travail est justifié pour une durée inférieure à celle fixée par le médecin prescripteur, la suspension du versement des IJSS prendrait effet à l’échéance de la durée retenue par le médecin contrôleur.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/PRJLANR5L16B1682.html

Le net social sur les bulletins 

Le montant net social doit être affiché sur les bulletins de paie depuis le mois de juillet 2023.

Pour comprendre son calcul, voici un point sur les éléments en + et les éléments en – qui composent le net social :

En + : toutes les rémunérations et revenus de remplacement versés par l’employeur au salarié, que ce soit des sommes brutes ou nettes.

Exemple : les salaires, les primes brutes (comme le 13ème mois) ou nettes (comme la PPV), l’intéressement ou la participation perçue, les indemnités d’activité partielle….

C’est simple finalement : tout ce que l’employeur verse : hop ! dans le net social !

Oui mais attention (lol), il y a des particularités ou des exceptions :

  • Les IJSS de sécurité sociale subrogées : non (la sécurité sociale se chargera de les déclarer)
  • Les frais professionnels exonérés : non (car ce ne sont pas des revenus)
  • La gratification exonérée versée au titre de la médaille du travail : non (BOSS, Montant net social, Q/R n°24)

En + : les cotisations patronales de prévoyance de toute nature (décès, incapacité, retraite supplémentaire…) à l’exception de la part patronale finançant la complémentaire santé (« mutuelle ») obligatoire et collective.

Eh oui ! les cotisations patronales qui n’ont pas une origine légale doivent être ajoutées au net social. Il s’agit d’une sorte d’une « alignement légal » du calcul du net social : si le salarié « bénéficie » de prévoyances patronales conventionnelles, elles doivent être ajoutées à son net social.  

En – : toutes les cotisations et contributions salariales légalement obligatoires et la part salariale de la complémentaire santé obligatoire et collective.

Ce qui revient à ne pas déduire les cotisations salariales dont l’origine n’est pas légale, comme les cotisations de prévoyance incapacité, invalidité, décès… c’est donc l’origine (légale en l’espèce) qui donne à la cotisation salariale son caractère déductible du net social.

https://boss.gouv.fr/portail/accueil/bulletin-de-paie/montant-net-social.html

L’entrée en vigueur du nouveau régime social des indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite

Loi de réforme des retraites a harmonisé le régime social des indemnités de mise à la retraite et des indemnités de rupture conventionnelle individuelle. Date d’effet : 1er septembre 2023.

Désormais, l’indemnité de rupture conventionnelle individuelle est exonérée de cotisations sociales et de CSG/CRDS (dans la limite absolue de 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale), que le salarié soit en droit de bénéficier d’une pension d’un régime de vieillesse légalement obligatoire, ou pas… Et c’est là que réside un premier changement : en effet, auparavant, si le salarié était en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse, l’indemnité de rupture conventionnelle était totalement assujettie à cotisations sociales.

Soulignons que le régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle individuelle pour un salarié en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse est désormais aligné sur le régime social de l’indemnité de mise à la retraite.

Mais ce n’est pas le seul « alignement » sur le plan du régime social entre les 2 indemnités :

Auparavant l’indemnité de rupture conventionnelle était soumise à une forfait social de 20% sur la fraction exonérée de cotisations sociales, et l’indemnité de mise à la retraite supportait une contribution patronale de 50% sur le montant total de l’indemnité versée.

Depuis le 1er septembre 2023, les deux indemnités supportent la même contribution patronale : 30% sur le montant de l’indemnité exonéré de cotisations sociales.

Congés payés : les arrêts de la Cour de Cassation qui font l’effet d’une bombe

Cataclysme sur les réseaux sociaux et dans les médias spécialisés après deux arrêts rendus le 13 septembre 2023 par la Cour de Cassation : le salarié continue à acquérir des congés payés pendant la suspension du contrat pour arrêt maladie non professionnelle, et celui en arrêt de travail pour AT ou maladie professionnelle doit acquérir des droits à congés payés même au-delà des 12 mois de suspension du contrat !

Pourtant, l’article L 3141-3 du Code du travail dispose que les salariés n’acquièrent pas de droit à congés payés pendant les absences pour maladie non professionnelle, puisque ces absences ne sont pas assimilées à du travail effectif pour l’acquisition des congés payés. Et l’article L 3141-5, 5° assimile les arrêts de travail liés à un AT ou à une maladie professionnelle à du travail effectif pour l’acquisition des congés payés, mais dans la limite d’une durée maximale d’une année.

Dans ces arrêts de principe, la Cour de Cassation s’est appuyée sur l’article 31 § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne pour écarter l’application du droit français et se conformer au droit européen qui prévoit que :

  • le salarié acquiert des droits à congés payés pendant son arrêt de travail pour maladie non professionnelle
  • l’acquisition des droits à congés payés vaut pour toute la durée de l’arrêt de travail pour AT ou maladie professionnelle, et que cette acquisition n’est plus limitée à la première année de suspension du contrat.

Et maintenant ? que va-t-il se passer ?

Une transposition du droit européen dans le Code du Travail devra être envisagée.

Reste à savoir si, dans le cadre de l’arrêt maladie, le projet de loi va prévoir des limites à l’acquisition des congés payés, comme c’est actuellement le cas pour l’arrêt suite à un AT ?

Et les droits à acquisition de congés payés seront-ils maintenus pendant toute la durée de l’arrêt de travail suite à AT ou maladie professionnelle, sans aucune limitation de durée ?

A suivre donc…

Cass soc 13 septembre 2023, n°22-17340 (https://www.courdecassation.fr/decision/65015d5fee1a2205e6581656) et

Cass soc n°22-17738 (https://www.courdecassation.fr/decision/65015d62ee1a2205e6581658 )